Allez, courez, volez en effet voir le spectacle "El Cid!" de Philippe Car et de sa compagnie l'Agence de Voyages Imaginaires, au Théâtre du Gymnase à Marseille (jusqu'au 16 février), vous basculerez avec plaisir et jubilation dans la tragi-comédie de Corneille, revisitée mais fidèle au texte (oeuvre publiée en 1637).

Vous découvrirez ou redécouvrirez Rodrigue déchiré entre son amour pour Chimène et sa volonté de venger son père Don Diègue, offensé par un "soufflet", une gifle donné(e) par le père de sa belle...

D'entrée, vous serez plongé dans un univers forain et poétique où les cinq acteurs jouent les huit personnages et dans lequel vous serez guidé par des "Alonzo" (se déplaçant dans un petit taxi sur une piste cerclant la scène) qui résument, commentent les événements qui se déroulent, les sentiments qui se bousculent... .

La mise en scène de Philippe Car est originale et vive, mêlant musique (à la fois arabo-andalouse et électro), théâtre d'ombre, chorégraphie,  cinéma (la transposition de la scène de la gifle est cinématographique et géniale), masque et faux nez... Le décor et les costumes (costards militaires à rayure ou écossais pour les hommes) datent l'intrigue à une époque proche de la nôtre. La perruque ridicule de Rodrigue vaut également le détour...

Le tragique et le comique s'entremêlent donc pour le plus grand plaisir des spectateurs qui apprécient ce spectacle total tout en vivant les tortures psychologiques du Cid.

Bref, il y a dans "El Cid!" du sang, de l'amour, du suspense, de l'humour, et une telle fantaisie loufoque que le dilemme cornélien prend un sérieux coup de jeune.

Samedi, première date des représentations, notre bonheur s'est d'ailleurs prolongé sur les marches du Théâtre, après le spectacle, lorque les acteurs sont sortis pour interpréter quelques titres supplémentaires de chansons espagnoles nous réchauffant l'âme en ces temps si glaciaires...

  La comédie de Molière L'Avare  est actuellement représentée au Théâtre du Gymnase à Marseille dans une mise en scène très ludique, originale et jouissive d'Alexis Moati et Pierre Laneyrie: on a peur au départ, puis on rit et on réfléchit notamment sur les choix scénographiques de ces deux metteurs en scène.

 On sort réjoui du spectacle! ça fait du bien d'entendre Molière et de participer à la folie destructrice d'Harpagon!

  L'acteur est mis au centre de cette mise en scène très minimaliste: pas de costume, pas de décor, cinq comédiens.

  Les limites de l'espace scénique sont repoussées à l'extrême; la scène est partout et nulle part: les spectateurs sont sur scène et participent à l'action (Mariane est choisie dans le public et rapidement revêtue d'une robe pour incarner l'amante de Cléante; Anselme à la fin de la pièce est également un membre du public) et les acteurs ne sont plus là où on les attend: Elise court sur scène et poursuit sa course en coulisse visible de tous; Maître Jacques, à la régie d'abord aux côtés des spectateurs, descend sur scène pour se confronter à son maître Harpagon et à Valère, son ennemi.

Et puis, les acteurs nous prennent à parti, nous interrogent et nous dévoilent avec humour les artifices de l'illusion théâtrale.

  Bref, le spectateur n'est pas tranquille: il est réveillé et en état d'alerte, c'est ce qui rend le spectacle si jouissif car, il faut l'avouer, c'est quand même le bazar (jets d'oranges et de citrons, batailles de madeleines...)! Mais ce sont aussi les ressorts de la farce!

  Enfin, la musique choisie (Madonna, les Beatles) crée aussi un décalage avec la langue de Molière mais finalement s'intègre bien dans l'ensemble du spectacle et surtout dans les scènes où elle apparaît.

  Des choix cependant sont discutables, notamment concernant les scènes coupées: La Flèche disparaît quasi totalement (ce qui est  quand même regrettable) et le vol de la cassette est moins pregnant... Alexis Moati et Pierre Laneyrie ont voulu par leur mise en scène intensifier la crise familiale et surtout le conflit de génération entre ce père tyrannique et ses enfants amoureux...

  Mais force est de constater que leurs choix ont  le mérite d'être intelligents: le spectateur rit et réfléchit, le pari est donc gagné et l'esprit de Molière respecté!

Mme Caploun.